La phénoménologie de Jean-Luc Marion offre des ressources importantes et originales pour penser les notions de la chair et de la personne. Dans un premier temps, nous allons repérer la chair dans le mouvement général de sa pensée, un mouvement qui va de la métaphysique (où la chair est absente) vers la phénoménologie (où la chair se donne).
En tant que (( phénomène saturé }}, nous allons voir comment la chair s'identifie a la personne par leur invisibilité commune, donc aussi par leur phénoménalité éminente et exceptionnelle. Mais, et dans un deuxième temps, cette même phénoménologie pose aussi la chair comme un non-lieu de la personne, la où elle lui manque.
L'érotique se propose donc non seulement comme le site privilégié de l'individualité (la mienne et celle de l'autrui) par la réduction érotique, mais aussi, par l'érotisation, d'une rechute vers l'anonyme et l'impersonnel. La chair comme expérience définitive de la subjectivité confirme donc l'énigme fondamental de la personne : unicité et plénitude mais aussi indétermination et vide.
Pour élaborer et articuler ce double enjeu, nous allons nous appuyer essentiellement sur Étant donné. Essai d'une phénoménologie de la donation (PUF 1997, surtout §§ 21-23) et De surcroît. Études sur les phénomènes saturés (PUF 2001, surtout ch.
IV) pour la première partie et sur Le phénomène érotique. Six méditations (Grasset 2003, surtout §§22-22, 29) pour la deuxième, aussi bien que sur d'autres articles parus précédemment.